Les termes pathema, en grec, passio ou perturbatio en latin, désignent dès l’Antiquité l’ensemble des mouvements perturbateurs de l’âme humaine. Ils sont discutés non seulement par les philosophes mais aussi par les médecins grecs. De ce fait, le nombre des passions, comprises alors comme des souffrances qu’il est nécessaire d’apaiser, n’a cessé de varier au gré des époques et des auteurs. Les passions de l’âme ont progressivement été mêlées aux péchés capitaux pour former un vaste ensemble qu’il est bien commode de désigner en définitive par le terme générique de « passions ».
Il reste que les nombreux discours sur ces perturbations sont le plus souvent prescripteurs, injonctifs ou édifiants. Le volume, Corps et âme sous l’empire des passions dans la littérature française des origines à nos jours, est le fruit de la réunion de chercheurs polonais francophones dont les travaux visent ici à sonder l’écart qui a toujours existé entre la théorie proposée, les conduites recommandées, et la pratique, c’est-à-dire, pour le dire succinctement, l’application dans la vie quotidienne réelle ou fictive des sages enseignements qui ont cours illic et tunc. L’écart entre « ce qui devrait être fait » et « ce qui est fait » sous l’influence de divers affects, ainsi que la tentative d’expliquer et de justifier la voie empruntée, est donc le sujet suffisamment intéressant et peu traité de ce volume, susceptible de faire émerger quelques axes de recherches pertinents dans des domaines scientifiques aussi divers que l’histoire de la littérature, des arts, de la médecine, des idées ou l’anthropologie culturelle.